SHOCKING !
LES MONDES SURRÉALISTES D’ELSA SCHIAPARELLI

dal 6 luglio 2022 al 22 gennaio 2023

“Travailler avec des artistes tels que Bébé Bérard, Jean Cocteau, Salvador Dalí,  Vertès et Van Dongen, avec des photographes comme Honingen-Huene, Horst, Cecil Beaton et Man Ray, avait quelque chose d’exaltant. On se sentait aidé, encouragé, au-delà de la réalité matérielle et ennuyeuse, qu’est la fabrication d’une robe à vendre.”
Shocking life, Elsa Schiaparelli– 1954

“Une femme résolument entre deux siècles, campée avec vigueur entre deux mondes bordés de palais romains et d’immeubles louis-quatorziens, grandie à l’ombre d’un humanisme généreux, celui de son père et des siens, patiemment cultivés et brillants. De cette brillance de l’esprit, Elsa Schiaparelli a fait une œuvre et une vie, ce qui n’est pas donné à tout le monde. (…) En quelque quinze ans, cette fille de lettré orientaliste aura posé avec rigueur et fantaisie les bases strictes d’une grammaire construite et d’un vocabulaire libre, en tout point reconnaissable, illustrant avec panache cette dernière danse sur un volcan que semble dérouler implacablement la décennie 1930.”
Olivier Gabet, commissaire de l’exposition

Le Musée des Arts décoratifs met à l’honneur l’œuvre audacieuse et inspirante d’Elsa Schiaparelli, créatrice italienne, dont l’inspiration s’est nourrie d’une relation privilégiée avec les artistes du milieu de l’avant-garde parisienne des années 1920 et 1930. Près de 20 ans après la rétrospective qui lui a été consacrée en 2004, le musée a souhaité revisiter son œuvre afin de faire redécouvrir au public sa fantaisie novatrice, son goût du spectacle et sa modernité artistique.

Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli réunit 520 œuvres dont 272 costumes et accessoires de mode, mis en regard de 248 peintures, sculptures, bijoux, flacons de parfum, céramiques, affiches et photographies signées des plus grands noms de l’époque, de Man Ray à Salvador Dalí, de Jean Cocteau à Meret Oppenheim ou encore d’Elsa Triolet. Cette grande rétrospective met également en lumière l’héritage du style Schiaparelli avec des silhouettes interprétées par de célèbres couturiers lui rendant hommage: Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa, John Galliano, Christian Lacroix. Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison Schiaparelli depuis 2019, interprète l’héritage d’Elsa Schiaparelli. L’exposition est présentée dans les galeries de la mode Christine & Stephen A. Schwarzman dans une scénographie poétique et immersive confiée à Nathalie Crinière.

Dans notre époque contemporaine qui conçoit le dialogue étroit entre mode et art comme une évidence, plus que jamais Elsa Schiaparelli semble de notre temps, en couturière “inspirée” comme elle aimait à se définir elle-même. Élevée dans un milieu humaniste et érudit, Elsa Schiaparelli (1890-1973) a embrassé la mode en ne reniant jamais sa profonde fascination pour l’art et pour les artistes, tout en devenant autant créatrice que femme d’image, s’amusant de la haute couture comme d’un kaléidoscope, robes du soir, tenues de ville, modèles sport, accessoires, et parfums. Esquivant les pesanteurs d’un milieu social, elle lui offre la liberté d’explorer les formes et les inspirations, celles qu’elle construit avec fougue et humour avec ses amis artistes, dont nombre la considère pleinement artiste elle-même.

Mêlant approches thématiques et chronologiques, l’exposition s’organise sur deux niveaux autour des moments-clés de l’œuvre d’Elsa Schiaparelli, enchaînant les collections les plus remarquables, d’année en année, dont certaines, en lien avec les artistes complices, fonctionnent telles les sources sensibles de sa créativité. Irriguant le parcours de l’exposition, ces thèmes artistiques rythment les étapes de la vie d’Elsa Schiaparelli. La salle d’introduction, espace spectaculaire, immersif, plonge le visiteur dans un environnement total dédié aux dessins des collections de Schiaparelli conservés par centaines: ils mettent en évidence l’étendue de l’œuvre de la couturière. L’éveil de l’artiste à la mode et à la modernité est exploré ainsi que le rôle déterminant du couturier Paul Poiret dont elle fait la connaissance en 1922. Véritable mentor, il révèlera sa vocation de couturière.

Elsa Schiaparelli confectionne alors des sweaters à motifs en trompe-l’œil, idée aussi géniale que radicale, et s’éveille parallèlement au goût de l’Art déco notamment au contact de Jean Dunand qui signe pour elle une robe raffinée dont les plis sont peints à la laque. Puis elle inaugure une riche série de collaborations qui illuminent une constellation d’artistes: ainsi Elsa Triolet, Jean Cocteau et Salvador Dalí pour ses collections de mode et d’accessoires.

Elle développe son sens aigu du détail à travers des modèles largement inspirés par l’esthétique surréaliste, détournant motifs et matériaux les plus étonnants: plastiques transparents, boutons en forme d’écrevisse, “poches tiroirs”, homards. Elle inspire tout autant Man Ray et devient son modèle: de nombreuses photographies témoignent de cette complicité fructueuse.

L’exposition se poursuit avec les collections thématiques qu’Elsa Schiaparelli initie seule autour des sources d’inspirations qui lui sont chères: l’Antiquité italienne, la nature et la musique.

La collection “Païenne” est un clin d’œil à l’Antiquité en référence aux métamorphoses d’Ovide, la collection “Papillon” est une ode aux insectes (source d’inspiration partagée avec les artistes surréalistes), la collection “Musique” de 1939 semble étirer et allonger à l’infini la silhouette de la femme moderne.

Le tandem mythique formé par Elsa Schiaparelli et Salvador Dalí, mué par un goût piquant du scandale et de la provocation artistique, est mis en lumière dans une salle qui lui est dédiée révélant l’iconique “robe homard” ou le célèbre “chapeau chaussure”, sorte de bibi surréaliste. Le second étage s’ouvre sur une reconstitution des salons de couture d’Elsa Schiaparelli, alors situés au 21 place Vendôme à Paris qu’elle inaugure en 1935. Pour l’aménagement et la décoration des intérieurs, elle fait appel à Jean-Michel Frank pour ses lignes épurées, ultra chic et élégantes. Elle y habille les extravagantes de la planète et y acquiert une renommée internationale.

La “cage aux parfums” révèle l’écrin de ses originales créations olfactives dont le fameux “Shocking” qui deviendra un succès mondial, donnant tout son sens au génial sens du marketing de la créatrice.

L’accent est également mis sur l’art complexe et luxueux de la broderie: Elsa Schiaparelli fait en effet appel à la maison Lesage pour la réalisation des broderies sur mesure comme le font de nombreuses maisons de couture depuis 1924. Les collections des années 1938 et 1939 convoquent l’imaginaire de la “commedia dell’arte”, s’inspirant des personnages de la comédie italienne du XVIIIe siècle, haute en couleurs, la collection dite “astrologique” à laquelle elle mêle des références baroques liées à Versailles et au Roi Soleil, avec la célébration du XVIIe siècle français, et enfin la collection “Cirque” avec ses somptueux boléros brodés de chevaux, d’acrobates et d’éléphants. Les créations d’avant-guerre montrent une silhouette cigarette plutôt étroite tandis que celles de l’après-guerre sont plus amples et plus construites.

Le parcours s’achève sur les silhouettes contemporaines réalisées par Daniel Roseberry avec un final spectaculaire traduisant avec sensibilité et force l’inspiration surréaliste de son éminente fondatrice.

En vingt-cinq ans, Elsa Schiaparelli fait de la mode une respiration naturelle de l’avant-garde, un terrain de jeux où réinventer autant la femme que la féminité, l’allure autant que l’esprit, en une œuvre qui reste d’une actualité saisissante. Elle incarne une vision d’un Paris éclatant et vibrant, curieux de tout, s’amusant de chaque nouveauté.

C’est cette incroyable liberté de création que l’exposition souhaite offrir aux visiteurs, liberté de surprendre, liberté de dialoguer, liberté d’être soi-même, à travers modèles, dessins et bijoux dont nombre d’entre eux, des milliers pour les dessins en particulier, ont été donnés en 1973 par Elsa Schiaparelli à l’Union française des Arts du costume, dont le Musée des Arts décoratifs conserve les fonds. Comme un dernier geste moderne, celui de préserver son héritage artistique pour le transmettre et permettre ainsi que l’histoire continue, intemporelle, celui d’avoir vécu son art comme le lieu fécond des croisements les plus inattendus et les plus fertiles.